Aftermath de Nacho Cerdà, 1994. Espagne, 30 min. Avec : Pep Tosar, Xevi Collellmir, Jordi Tarrida, Ángel Tarris.
Si le thème de la mort, sous toutes ses formes, a depuis longtemps trouvé sa place au cinéma dans pratiquement toutes les déclinaisons qu’il est possible d’imaginer, celui de la nécrophilie était jusqu'à il y a une quinzaine d’années encore relativement tabou. Puis de quelques dialogues suggérant l’innommable à quelques scènes chocs ponctuant certains films, l’approche un peu trop rigide et distante des réalisateurs commença à laisser place à la nécrophilie comme vecteur principal de quelques productions, abordant ce sujet sulfureux et fascinant selon divers points de vues. Présentée de manière artistique ou poétique, sous un angle gore amusant, comme un vice présent chez quelques serial killer illuminés ou encore de façon clinique et froide, la nécrophilie débarque sur les écrans.
A travers des titres comme les controversés et dérangeants Nekromantik et Nekromantik II de Jörg Buttgereit, Kissed de Lynne Stopkewich, Blue Holocaust de Joe D’Amato, Macabro de Lamberto Bava, Lune froide de Patrick Bouchitey ou encore Le Nécrophile de Philippe Barassat pour ne citer que les plus intéressants, nous nous trouvons face à des films qui laisseront généralement un souvenir tenace chez le spectateur. C’est pourtant un autre titre que je vais aborder ici. Par une approche plutôt extrême et viscérale du sujet telle que l’aborde le réalisateur hispanique Nacho Cerdà dans son court métrage intitulé Aftermath.
Ce titre est le segment de trois productions tournant autour du thème de la mort, débuté en 1990 par The Awakening et son atmosphère étrange, puis clôturé en 1998 par Genesis et sa relecture artistique du mythe de Frankenstein. Aftermath, contrairement à des œuvres comme Nekromantik ou Kissed qui visent à aborder le thème de manière assez poétique ou érotique, ne s’embarrasse pas de sentiments quelconques, le réalisateur privilégiant une approche choquante dans un premier temps, se rapprochant plus de titres comme Flower of Flesh and Blood de la série des Guinea Pig ou Autopsia de Milagros Bará, puis devenant de plus en plus malsain et pathologique jusqu'à l’acte nécrophile commit par le médecin. Pourtant cette vision quasi-clinique du sentiment nécrophile procure au spectateur, à travers son aspect voyeuriste et abject, un troublant sentiment de fascination. Cette attirance morbide débute néanmoins d’une manière peu ragoûtante, il s’agit ni plus ni moins de ce que peuvent devenir des cadavres, pourquoi pas le notre d’ailleurs, entre les mains de croques morts vicieux à l’esprit dérangé.
Aucune parole ne viendra troubler le silence pesant qui règne dans cette morgue froide, aux murs nus éclairés par des lumières vives, dans laquelle deux hommes taciturnes en blouses bleues et aux visages à demi enfouis derrières leurs masques s’activent sur le requiem inachevé composé par Mozart, laissant libre court à leurs déviances macabres. Deux patients sont présents sur les tables d’opération, leurs vêtements sont découpés, puis les premières incisions font leurs apparition, superposant ainsi des bruits aux échos effrayants d’os qui craquent, de scalpels déchirant les chairs, de scies et autres instruments chirurgicaux à la douce musique du célèbre compositeur allemand. Tout est fait pour que le spectateur soit complètement détaché de ce qui se passe à l’écran, rien ne peut le rattacher aux images écœurantes qu’il aperçoit, mais pourtant tout semble tellement réel qu’il ne peux s’agir d’un rêve, on assiste simplement aux agissements, certes inhabituels pour beaucoup d’entres nous, d’une personne dont c’est le métier. Mais une fois le premier corps méthodiquement vidé de tous ses organes, puis remplie et recousu une fois ces derniers analysés, le croque-mort, joué de manière étonnante par Pep Tozar, magistralement effrayant de par son regard, semble troublé alors qu’il se penche sur le corps Marta…
Cerdà nous livre ici un court métrage terriblement soigné, la photographie est superbe, chaque plan est pensé de manière très travaillée, l’éclairage est en adéquation parfaite avec l’unique décors, et les effets spéciaux sont d’un réalisme tétanisant. Le réalisateur à su s’entourer d’une équipe plus que talentueuse afin de nous livrer cette étonnante histoire mélangeant le gore clinique à la passion nécrophile. Le sang ne manque pas en tout cas, ni les viscères ramassées à pleines mains, ou les organes que l’on aura le loisir d’admirer sous tous les angles, donnant un cachet assez particulier à l’ensemble, le film reposant entièrement sur ses acteurs et ses contrastes graphiques. Les corps réalisés par l’équipe des SFX sont ultra- réalistes, et la caméra n’hésite pas à s’en approcher de très près, à ce titre Aftermath n’a à rougir d’aucune comparaison, bien au contraire. Pourtant, ce sont les passages ambigus entre Pep Tosar et le cadavre de Marta qui sont les plus dérangeant, alors qu’a peine dévêtue, il la caresse avec la pointe de son scalpel, et glauques, lorsqu’il la viole où déchiquette son vagin.
Un film plutôt violent donc, qui marque réellement le spectateur, traitant du thème de la mort de manière assez crue mais non sans glisser de nombreux sous-entendus. On peut tout de même lui reprocher un aspect un peu trop léché, quasi-documentaire que je trouve au final bien moins percutant que les excès morbides de Buttgereit dans son Nekromantik, mais Aftermath reste en tout cas un film à voir, mais sans doute pas en famille un soir d’anniversaire…
Carcharoth